C. LEVI-STRAUSS dans Race et histoire : « la diversité
des cultures humaines ne doit pas inviter à une observation morcelante ou
morcelée. Elle est moins fonction de l’isolement des groupes que des
relations qui les unissent ».
Cette remarque tient en effet, selon lui, à ce que la
diversité des cultures peut être due à deux éléments : l’isolement d’un groupe social, qui
évolue seul et sans lien avec les autres groupes sociaux et donc construit une
culture propre, mais aussi et surtout la
proximité des groupes qui les conduise au désir de se distinguer, d’être
soi. Cette affirmation identitaire se réaliserait alors par opposition avec les
groupes proches.
En effet, la plupart des sociétés humaines sont en contact,
et nous serions tentés de dire, de plus en plus. Dans le même opus, C.
LEVI-STRAUSS voit d’ailleurs dans la
collaboration, inconsciente ou non, l’explication des grandes avancées
technologiques et intellectuelles réalisées par les sociétés. Comment ne
pas le lui accorder lorsque l’on se retourne sur le passé : la
civilisation arabo-musulmane du VIIIème au XIIème siècle
n’a-t-elle pas connu son apogée grâce à l’extraordinaire union des cultures
phéniciennes, perses, chaldéennes, égyptiennes conquises, ainsi que des
cultures chinoises ou surtout grecques ou indiennes qui les bornaient ? Et
ce type d’exemple pourrait se multiplier à l’envi.
Alors, et comme nous y invite A. JACQUARD[1],
aimons nos différences. Mais sans nous
tromper sur la nature de celles-ci. En effet, si A. JACQUARD ne renie pas
complètement, en soi, la notion de race,
comme une tentative de classification inhérente à la pensée humaine, il la
remet en cause dans le cas de l’espèce humaine car « les groupes humains
n’ont jamais été séparés durant des périodes suffisamment longues pour qu’une
différenciation génétique ait pu se produire ». Et d’ajouter : « ce
n’est pas entre les groupes mais entre les individus que nous constatons la
plus grande diversité ».
Dès lors, la différenciation entre groupes humains existe,
mais elle ne peut être que sociale. Ou, pour reprendre M. CAHEN[2] :
« l’identité ethnonationale certes relève de l’imaginaire […], mais l’imaginaire
ne saurait être confondu avec l’inexistant ». Il relève ainsi que le « primordialisme
[l’attitude consistant notamment à justifier la différenciation ethnique sur
des critères biologiques et génétiques] insiste non seulement sur la question des origines, dont tout
chercheur en sciences sociales sait qu’elle est mythique, mais aussi sur le maintien immuable de certaines
caractéristiques. […]. [Malgré] le métissage permanent, le lien aux formations
sociales, enfin le fait que les identités ne sont pas un état mais une trajectoire, il n’en reste pas moins que dans
la conscience des leurs individus porteurs, elles sont ressenties comme un état :
les ethnies et les nations ont la plupart du temps la sensation d’exister
depuis toujours et fabriquent leurs traditions ».
Ainsi nos différences sont une richesse certes, mais la
nature de celles-ci et le sentiment d’appartenance ne peuvent être fondés sur
une « essence » du groupe. Ils résultent d’une construction qui, à ce
titre, est dynamique.
Et si nous voulions pousser la réflexion sur les relations
entre ethnies, nations et Etat, nous pourrions nous reporter aux publications de
M. CAHEN qui, en tant que spécialiste de l’Afrique lusophone, nous éclaire sur nos
propres sociétés en portant le regard sur la situation ethnico-politique de l’Afrique.